SIAO 2024 : le trône majestueux de Malenga coûte 500 000F
L’artisan burkinabè Nikson, de son vrai nom Amidou Nikiéma, est venu de Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du Burkina, pour exposer ses œuvres. Il est à la 17é édition du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) avec plusieurs objets culturels : des chaises, des tables, guéridons en Bambou et surtout, des chaises royales en cornes d’animaux.
Par Siébou Kansié
Au flanc Ouest du paillon les Pyramides du SIAO, juste derrière le podium d’animation, se trouve un stand à ciel ouvert.
De grandes chaises majestueuses en cornes, tels des objets de culte, un peu comme ce qu’on voit dans les films nigérians sur Nollywood, envahissent les autres produits artisanaux.
Un homme de taille peu élancée, fait des aller-retours d’un bout à l’autre de ses produits exposés le long du mur.
C’est le maître des lieux. Amidou Nikiéma, un Burkinabè. Aux premières impressions, l’on le confondrait à un exposant venu d’autres cieux. Un Nigérian.
En tout cas, ses produits, lui confèrent cette identité. Mais rien de tout cela. Nikson est issu de la famille royale de Malenga, d’où est inspirée l’œuvre de l’artiste.
Toute la charpente du trône, est faite de cornes d’animaux. La mousse de l’assise et du dossier est couverte du tissu aux couleurs du Guépard.
C’est la chaise royale de Malenga, localité située dans la province du Boulgou (Tenkodogo), région du Centre-Est, qui trône majestueusement au biennal de l’artisanat africain à Ouagadougou. Son coût : 500 000 FCFA.
« Je suis né dans une famille où il y a la royauté. Donc, je me suis inspiré des sièges, des trônes des rois, parce que je suis né dans une famille de chefferies coutumière. », explique Nikson.
Son inspiration vient de ses origines dit-il. Le natif du Centre-Est résidant à Bobo-Dioulasso, justifie le choix des matières ayant servi à la confection de la chaise, par le sens qu’elles véhiculent dans la chefferie coutumière.
« Je me suis inspiré de mes ancêtres. Puisque depuis la nuit des temps, les cornes représentent le pouvoir dans la chefferie. Dans la chefferie traditionnelle, vous verrez des peaux de guépards, de lions, des ivoires, des cornes. »
De son avis, le siège de la royauté qu’il propose, est uniquement fait de cornes d’animaux, du bambou, du raphia, de liane.
La mousse est aux couleurs du guépard, un animal signifiant dans l’histoire du l’artiste. « Il représente quelque chose que personne ne peut trouver homogène pour l’exprimer. Parce que là, il fait partie de la nature. Donc, nos ancêtres aimaient la nature. », foi d’Amadou Nikiema. Toutes les matières premières pour confectionner cette chaise se trouvent dans la terre de ses ancêtres, explique-t-il.
La chaise n’a aucun esprit maléfique
Bien que la chaise inspire la peur à vue d’œil, le concepteur rassure qu’il n’y a rien à être effrayé. La chaise est juste majestueuse et tout le monde peut l’utiliser sans crainte d’être possédé par un quelconque esprit.
« Cette chaise appartient à nos ancêtres. Nous sommes Africains et nous ne devons pas avoir peur de ce qui nous appartient. », a rassuré l’artiste.
Nikiéma estime même qu’en utilisant cette chaise, l’on fait honneur aux ancêtres. « Nous les glorifions en utilisant cette chaise qu’ils ont utilisé avant nous », dit-il.
Tout au long de notre entretien, il ne cesse de citer l’ancien journaliste de Rfi, Alain Foka, qui, avant d’entamer son émission sur l’histoire de l’Afrique, précisait que « Nul n’a le droit d’effacer une page de l’histoire d’un peuple. Car un peuple sans son histoire, est un monde sans âme. »
En ayant peur des objets culturels sous prétexte qu’ils sont hantés, l’enfant de Malenga pense que le peuple africain fuit son histoire, qui représente son âme.
L’insécurité et la covid-19, les assassins du secteur artisanal
Depuis l’avènement de l’insécurité au Burkina, les artisans dans leur ensemble, tirent le diable par la queue. Plus rien ne marche, car c’étaient les expatriés qui étaient les grands consommateurs des produits artisanaux, selon Nikson.
« Aujourd’hui, les expatriés ne sont plus là pour s’occuper de nous. Voilà le problème. » Il lance un appel aux autorités burkinabè afin qu’elles reprennent le contrôle de ce secteur afin de la valoriser pour ne plus qu’il dépende des étrangers.
Avec les actions des autorités de la transitions, il pense que l’espoir est permis, pour peu qu’elles aient le temps pour dérouler leurs programmes.
« Il y a des braises dit-il. Mais elles peuvent s’éteindre », s’il n’y a pas le courage de les entretenir pour qu’elles deviennent un grand feu.
Le Salon International de l’Artisanat de Ouagadougou (SIAO), se tient du 25 octobre au 3 novembre 2024. C’est l’un des plus importants rendez-vous de l’artisanat en Afrique.
Ce biennal créé en 1984, valorise le savoir-faire artisanal africain. Il offre une vitrine internationale aux créateurs et aux produits issus des cultures locales.
Chaque édition rassemble des artisans, des acheteurs, etc. qui font du SIAO, un espace unique d’échanges culturels et commerciaux.