POLITIQUE

Burkina: « Nous refusons parfois d’être nous-mêmes, pour nous réfugier…dans la culture…des autres »(Premier ministre Kyelem)

Le Premier Ministre Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla, a livré le samedi 19 novembre 2022, devant les députés de l’Assemblée législative de Transition (ALT) pour la déclaration de sa politique générale. Refletinfo.net vous propose l’intégralité de son message.

« Avant toute chose, je voudrais demander qu’ensemble nous observions une minute de silence en la mémoire de toutes les victimes du terrorisme.

Je vous remercie.

Excellence ! Mesdames et messieurs les députés.

Il a plu au chef de l’État, le Capitaine Ibrahim Traoré, de porter son choix sur ma personne pour assumer la fonction de Premier ministre de la Transition. Je voudrais ici lui témoigner ma reconnaissance pour cette marque de confiance. Permettez-moi, en son nom, au mien propre, et au nom de l’ensemble du Gouvernement, d’adresser à chacun de vous, nos vives félicitations pour son élection à l’auguste Assemblée.

Les circonstances qui ont conduit à la rectification de la Transition font de vous nécessairement des députés de mission et non de gestion. Nous avons une mission commune, rendre le Burkina Faso aux Burkinabè. Essayer de le mettre sur les rails afin que sa destinée soit non seulement plus sécurisée, mais aussi plus radieuse. C’est ce à quoi s’attèle le chef de l’État et le Gouvernement.

Je ne suis pas venu faire un discours protocolaire pour complaire à des formalités. La situation du pays ne le permet pas et impose une autre façon de faire. Je ne suis pas venu pour un long discours. La qualité d’un discours n’est pas nécessairement fonction de sa longueur. Je ne suis pas venu égrener un chapelet de promesses de réalisations.

Je suis venu vous demander, tout au long de votre mandat, de donner au Gouvernement les moyens d’action pour répondre aux aspirations du peuple burkinabè. Ces aspirations sont connues : ce sont la restauration de l’intégrité territoriale du pays et la sécurisation des personnes et des biens (I), le bien-être des Burkinabè (II) et la refondation de la société par une gouvernance vertueuse et visionnaire (III). Pendant le temps de la Transition, le Gouvernement s’attèlera à la réalisation de ces objectifs.

I-       Du recouvrement de l’intégrité territoriale et de la sécurisation des populations

Le chef de l’État en a fait son cheval de bataille. Le recouvrement de l’intégrité territoriale est, avec la sécurisation des populations, la priorité des priorités. Le Président du Faso, chef suprême des armées, est en train de procéder à une profonde réorganisation de l’armée pour la rendre plus opérationnelle et plus efficace. L’essentiel des moyens sera orienté vers la sécurisation du territoire et des populations. Moyens matériels, et financiers, aussi bien qu’humains, culturels et spirituels. Car, si le vivre ensemble est aujourd’hui mis à mal, c’est aussi parce que, culturellement et spirituellement, la société a failli quelque part.

Nous refusons parfois d’être nous-mêmes, pour nous réfugier confortablement dans la culture et la spiritualité des autres, conçues à des moments donnés de l’Histoire, pour des civilisations données, et qui sont parfois loin de nos réalités actuelles. Aucune morale de nos ancêtres, aucune spiritualité de nos ancêtres ne disent de s’en prendre aveuglément à des populations innocentes, de brûler leurs récoltes, de piller leurs biens et leur bétail, ou encore de s’en prendre à celui qui n’a pas la même culture ou la même spiritualité que soi.

Bien avant la pénétration coloniale, nos ancêtres vivaient dans la cohésion sociale, malgré bien sûr quelques difficultés ponctuelles et des conflits sporadiques de moindres envergures. Nous devons donc nous ressaisir, pour transmettre nos vraies valeurs à la société. De tout temps, il a toujours existé partout des délinquants, des bandits, des hors-la-loi.

Néanmoins, si nous respectons nos valeurs, les éléments égarés seront facilement repérés, isolés, ciblés et traités comme il se doit. Il nous faut accepter d’engager une transformation de nos mentalités.

Le terrorisme qui nous a été imposé, et dont les failles de notre société a permis l’extension, a conduit beaucoup de nos frères et sœurs à abandonner leur terre, leur histoire, leur culture, leur famille pour se retrouver, dans le meilleur des cas, dans des centres d’accueil où ils survivent dans une situation de précarité extrême, dépendant des œuvres de charité. Le Burkina Faso compte actuellement environ deux millions de déplacés internes. Le Gouvernement veillera à la mise en place d’un plan de réponse et de soutien aux personnes vulnérables à l’insécurité alimentaire et à la malnutrition. Il est d’un coût d’environ 240 milliards de F CFA, au profit de plus de trois millions de personnes.

Les personnes déplacées se trouvant dans des zones d’accès difficile seront ravitaillées par des opérations spéciales terrestres et aériennes, dans la collaboration entre civils et militaires.

En outre, le 9 novembre dernier, un Plan opérationnel d’appui à la campagne agricole de saison sèche 2022-2023 a été adopté. Il est d’un montant global d’environ 11 milliards F CFA pour 60 000 tonnes de céréales et 20 000 tonnes de produits maraîchers attendues. Des intrants et des équipements seront accordés aux producteurs en général, et aux personnes déplacées internes en particulier. Aussi, l’Académie Nationale des Sciences, des Arts et des Lettres du Burkina Faso (ANSAL-BF) a mené une étude sur un projet de sécurité alimentaire à court, moyen et long terme. A court terme, ce projet prend en compte le volet production de céréales et de protéines animales. D’un cout initial de 11 milliards, il devrait permettre de couvrir les besoins en céréales de 110 000 tonnes des personnes déplacés internes selon l’étude, sur la période des 6 mois à venir.

Aussi, des projets de redressement de la filière avicole fortement touchée par la grippe aviaire et le terrorisme sont en cours d’élaboration.

L’insécurité n’est pas seulement celle causée par le terrorisme. Elle existe aussi dans nos cités, dans les rues, dans les familles. Elle provient aussi d’un mauvais encadrement ou d’un manque d’encadrement des individus et de la société. Combien d’accidents de la route auraient pu être évités, des mutilations épargnées, et des vies sauvées si chacun respectait simplement le code de la route ? Le Gouvernement veillera à une meilleure appropriation du code de la route par les citoyens et à une application rigoureuse des différents textes encadrant la circulation routière.

La délinquance juvénile dans les cités a pris de l’ampleur ces dernières années. Paraître irrespectueux, est devenu la norme dans certains milieux. De tels comportements, s’ils ne sont pas jugulés, peuvent finir par nourrir le grand banditisme et le terrorisme, car ils favorisent les infractions aux normes sociales.

L’État ne peut pas intervenir dans chaque famille, mais l’État peut veiller à éradiquer l’incivisme dans les cités et les espaces publics. Le Gouvernement y veillera à travers une gouvernance axée sur l’exemplarité mais aussi sur les récompenses et sanctions.

Pour la restauration de la paix et de la cohésion sociale, je vous demande donc de réfléchir sur les textes que vous serez amenés à proposer ou à adopter, afin qu’ils soient conformes aux aspirations de paix et de stabilité morale et spirituelle de notre peuple. Je vous demande de ne pas tarir d’initiatives et d’imagination quant aux propositions pertinentes allant dans ce sens.

 Du bien-être des Burkinabè

La paix sans le développement est une paix fragile. Elle pourrait être perturbée par n’importe quel évènement, si insignifiant soit-il. La cohésion sociale sans le bien-être est également fragile. Une société ne peut être en harmonie que si chaque élément de la société s’y épanouit en fonction de ses aspirations. Le bien-être est donc au cœur de la vie sociale.

Le Gouvernement veillera donc sur ce point par des mesures concrètes, incitatives et d’orientation. Nous ne pouvons pas assurer le bien-être de la majorité si nous fermons les yeux à nos réalités, tout en les gardant grand-ouverts sur celles des autres. C’est dans la prise en compte de nos potentialités que nous serons à même de construire une société harmonieuse avec la participation de tous. Le Gouvernement encouragera par conséquent la production nationale et la consommation des produits locaux. Ce qui ouvrira des perspectives plus heureuses à nos producteurs, nos ingénieurs, nos artisans, nos restaurateurs, tout en stimulant leur ingéniosité et leur créativité.

L’agriculture

Le coton que nous produisons en abondance est pour l’essentiel destiné à l’exportation sans une réelle valeur ajoutée. Pendant ce temps, les vêtements que nous portons proviennent essentiellement de l’étranger, quand bien même ils n’ont pas toujours autant de qualité que ceux que nous livrent nos couturiers avec la cotonnade locale. Pour paraphraser le Président Thomas Sankara, je dirai que les vêtements que je porte ici sont le fruit de nos producteurs de coton, de nos tisserands et de nos couturiers. Pas un fil n’est venu de l’étranger. Je ne suis pas venu pour un défilé de mode. Je veux simplement montrer de quoi peuvent être capables nos populations, pour peu qu’on leur donne l’occasion de se réaliser. Nous pouvons ainsi donner du travail et des perspectives à nos producteurs et à nos créateurs. Le Gouvernement encouragera donc le port généralisé du faso dan fani et son adoption dans les uniformes scolaires, militaires et hôteliers, de même que dans les agences de tourisme et pour les guides touristiques.

Le Burkina Faso produit des fruits et des céréales qui, faute de moyens adéquats de conservation, périssent pendant la période des récoltes, ou sont bradés à des spéculateurs sans scrupule qui, pour les céréales, les revendent à prix d’or pendant la période de soudure.

Il s’agira donc, dans un premier temps d’innover dans la recherche de moyens de conservation, et dans un deuxième temps de mettre en place des ateliers ou des unités de transformation des produits agricoles et maraîchers. Des instructions ont déjà été données dans ce sens.

L’élevage

Le Burkina Faso est l’un des grands pourvoyeurs de bétail dans la sous-région. Est-il raisonnable que les pays côtiers achètent le bétail du Burkina Faso, alors même que la viande y est vendue pratiquement au même prix qu’au Burkina, et de surcroît de meilleure qualité ? Décidément, quelque chose doit être fait dans ce domaine. Il nous faudra penser à limiter la sortie du territoire du bétail sur pieds.

Ce qui mettra à la disposition de nos populations de la viande de meilleure qualité pour l’alimentation, tout en mettant à la disposition des artisans et des ateliers de tannage, de la peau de qualité en abondance pour l’artisanat et l’industrie du cuir.

La sortie massive du bétail sur pieds ne favorise pas une articulation heureuse entre l’agriculture et l’élevage. C’est cette articulation qui, en Mésopotamie, a été à l’origine de la civilisation actuelle il y a près de dix mille ans. Après l’avènement de l’agriculture, la domestication des animaux de trait a permis l’invention de la charrue, de la roue, de la charrette, et plus tard du carrosse et de la voiture automobile. L’amélioration de la production agricole par l’usage de la charrue a permis l’accumulation qui allait donner naissance aux premiers ateliers de transformation.

Ici au Burkina, nous importons des tricycles pour le petit transport, alors même que nous ne produisons ni ne raffinons du pétrole. Sans parler des pièces de rechange qui sont toutes importées.

C’est autant d’argent transféré à l’étranger, pour aller contribuer à construire d’autres pays au détriment du nôtre. Pour réduire cette extraversion économique, nous devrons urgemment stimuler l’innovation et la recherche afin de mettre les bases d’un développement industriel créateur de valeur ajoutée et d’emplois. N’ayons pas peur d’oser. Bien au contraire, selon les termes du Président Thomas Sankara, osons inventer l’avenir.

L’abondance du lait suscitera nécessairement la consommation locale, et poussera à la mise en place d’unités de conservation et de transformation. Si le yaourt et le fromage ne sont pas dans les habitudes alimentaires des Burkinabè, c’est parce qu’ils ne sont pas produits en quantité suffisante et à prix abordables. Qui aurait su, en 1980, que le haricot vert et la pomme de terre feraient maintenant partie des habitudes alimentaires des Burkinabè, du moins des citadins ? Pour cela, il a fallu la politique volontariste du Conseil national de la Révolution sous le leadership du Président Thomas Sankara. Les dés de notre avenir sont entre nos mains, à nous de savoir jouer. Dans la mesure des moyens de l’État, tout sera proposé, rien ne sera imposé. Il s’agira de favoriser l’éclosion des opportunités pour ceux qui veulent se battre.

Le conflit russo-ukrainien a mis en exergue la dépendance de l’Afrique dans l’approvisionnement en engrais et sur certains produits alimentaires de grande consommation tels que le blé. Il est donc temps d’explorer nos potentialités locales pour sécuriser, dans la mesure du possible, nos besoins en intrants agricoles mais aussi de remettre la question de l’autosuffisance alimentaire dans les objectifs de court terme à atteindre dans le cadre de nos politiques agricoles.

Les infrastructures routières et ferroviaires

La route du développement passe par le développement de la route. Dans l’histoire de l’humanité, ce sont les voies de communication qui ont été à la base de l’essor des civilisations. Dans la Haute Antiquité, la maîtrise de la mer a permis aux Phéniciens de dominer la Méditerranée. Si Christophe Colomb a pu aller jusqu’en Amérique, c’est à l’aide de bateaux puissants et d’une certaine maîtrise de la navigation. À l’inverse, si l’Afrique noire est restée longtemps isolée, en marge de l’évolution, c’est surtout par manque de routes et de moyens de communication. Avant la pénétration coloniale, en dehors des pistes qui s’évanouissaient parfois pendant les saisons pluvieuses, il n’existait aucune route digne de ce nom. De sorte que très souvent, les sociétés africaines elles-mêmes, en dehors du voisinage immédiat, s’ignoraient et ne pouvaient bénéficier des expériences des unes et des autres. À cent kilomètres près, c’était parfois l’inconnu.

Les Romains qui avaient compris l’importance des routes, avaient fait des voies de communication leur priorité. L’ancien empire romain est ainsi parsemé de route qui, plus de deux mille ans après, ont su résister au temps. La route permet d’aller chercher l’eau, la nourriture, l’instruction, la santé, la sagesse. Elle a aussi malheureusement permis les conquêtes et les dominations. C’est donc dire que plus que l’éducation et la santé, elle est fondamentale dans l’évolution des sociétés. Francisco Pizarro, le conquérant espagnol qui a donné le coup d’envoi de la conquête des Amériques, ne savait ni lire ni écrire. Il avait simplement la maîtrise des mers.

C’est donc naturellement qu’une importance particulière sera accordée aux voies de communication. Il sera question de réanimer le projet de construction du chemin de fer Accra-Ouagadougou. Nous essayerons aussi d’entreprendre, en partenariat avec le Mali, des études de faisabilité d’une ligne de chemin de fer Bobo-Dioulasso-Sikasso-Bamako.

Dans le domaine routier, la priorité sera donnée à la construction de routes logistiques importantes dans les zones sous pression terroriste notamment au Nord, dans la Boucle du Mouhoun et à l’Est du pays pour permettre aux forces combattantes de traquer facilement l’ennemi tout en renforçant le désenclavement de ces zones. Si les ressources le permettent, une importance particulière sera donnée à l’entretien routier, au bitumage de routes interurbaines et à l’amélioration des routes urbaines, principalement à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso.

La santé

Dans le domaine de la santé, il sera question, dans un premier temps de limiter autant que possible les évacuations sanitaires au frais de l’État, en espérant les supprimer dans un deuxième temps. Si notre système de santé n’évolue pas significativement, c’est en partie parce que les dirigeants de ce pays n’en sont pas dépendants. Au moindre mal, ils savent qu’ils peuvent bénéficier d’une évacuation sanitaire. Ce qui crée un système de santé publique à double vitesse. L’un pour les pontifes de l’État, l’autre pour la plèbe.

Quand tout le monde sera soumis au même système de santé, sans doute que des voies et moyens seront davantage explorés pour construire un système de santé performant pour tous.

L’éducation

L’enseignement devra faire place à l’éducation. Le système actuel est un système désincarné, un système d’enseignement sans éducation. L’enseignant se contente de transmettre froidement des connaissances à l’élève sans se soucier ni du contenu de l’enseignement, ni de la personnalité de l’élève, ni de ce qu’il pourrait faire de l’enseignement reçu. Nous devrons veiller à ce que les écoles de formation des enseignants innovent de manière à ce que ceux qui en sortent soient dotés des prérequis nécessaires, non seulement pour l’enseignement, mais surtout pour la formation du citoyen de demain, utile pour la société et pour la nation.

Pour adapter l’enseignement à la réalité de l’emploi, il convient d’introduire, à partir du cours moyen, une initiation à l’agriculture, à l’élevage, au tissage et à la cuisine. Et à partir de la classe de quatrième une initiation à la mécanique, à l’informatique, à la maçonnerie, à la menuiserie, à la couture, à la peinture, au théâtre, à la musique. De sorte que l’élève qui quitte les bancs au CM2 puisse facilement s’insérer et réussir dans le milieu rural. Et celui qui quitte la classe de 3ème, s’il ne veut pas ou ne peut pas continuer au second cycle de l’enseignement général, puisse s’orienter dans la formation technique ou professionnelle de son choix, ou s’insérer avec succès dans la vie active. 

La culture

Qui ne sait pas d’où il vient, ne saura aller nulle part. Si aujourd’hui des jeunes sont prêts à braver tous les périls pour espérer une vie meilleure en Europe, au risque de périr dans le désert ou dans la mer, ce n’est pas toujours pour des raisons politiques, sécuritaires ou même économiques.

C’est parfois en partie parce qu’ils n’ont plus de repère, ils ne sont plus fiers de ce qu’ils sont, alors ils regardent ailleurs. Ils ont le mal de l’âme, résultat d’un défaut d’ancrage culturel et spirituel. Sans tomber dans le chauvinisme, le Gouvernement veillera à encourager l’éclosion et l’émancipation des cultures locales et l’appropriation de leur propre culture par les citoyens. Chaque Burkinabè devra se sentir fier de sa culture et fier d’être Burkinabè. La courte durée de la période de Transition cumulée à la lutte contre le terrorisme ne permet pas d’engager de grands chantiers qui auraient consisté à retrouver la vraie signification des noms de famille et des noms des villes et des villages qui sont de vrais socles culturels qui nous rattachent à notre histoire. Mais cela devra nécessairement faire l’objet des combats futurs.

Le sport

Le contexte actuel est favorable au développement du sport. Les jeunes qui vont se faire enrôler comme volontaires pour la défense de la patrie (V.D.P.) y trouveront l’occasion de donner un plein épanouissement à leur corps et à leur volonté de dépassement de soi. En outre, le Gouvernement entend encourager les activités culturelles et sportives dans les quartiers et les villages.

De l’organisation sociale

Pour un meilleur encadrement de la société, il sera fait appel aux citoyens de mettre en place des comités locaux de veille et de développement (C.L.V.D.) qui leur permettront de prendre en main leur destin à la base. Chacun devra se sentir concerné à la fois par le sort de sa localité et par celui de la nation, et être solidaire de son voisin. L’État ne peut pas grand-chose sans la participation des citoyens.

Les comités locaux seront le creuset dans lequel les citoyens, dans un cadre de proximité, débattront de leurs préoccupations et définiront les orientations à suivre.

De la refondation de la société

Il ne saurait y avoir de cohésion sociale dans une société gangrénée par la corruption (A), une spéculation foncière non encadrée (B) et une gouvernance inadaptée

La lutte contre la corruption

La corruption détruit le tissu social. Elle crée des inégalités qui ne trouvent pas leurs justifications dans l’application des lois. La corruption permet l’enrichissement facile des uns et suscite la frustration des autres. Les intrigues et l’arrogance des corrupteurs sont une menace pour la cohésion sociale. C’est donc avec vigueur que le Gouvernement s’attaquera à ce phénomène.

La digitalisation des procédures sera un moyen efficace de lutte contre la corruption. Des instructions seront données pour que les tiroirs soient vidés des dossiers litigieux et pour que justice se fasse. Toute personne ayant connaissance d’un fait de corruption établi est invitée à le porter à la connaissance des autorités compétentes. Des dispositions seront prises pour dynamiser davantage les pôles judiciaires spécialisées dans la lutte contre les crimes économiques et contre le terrorisme.

La lutte contre la spéculation foncière

Ces dernières années la spéculation foncière a pris une ampleur considérable en milieu urbain, et surtout en milieu rural. Sans un encadrement dans ce domaine, la société court le risque d’une violente implosion. C’est pourquoi un recensement sera fait afin d’y mettre de l’ordre. Dans ce domaine également, les premières actions porteront sur l’accélération de la digitalisation du foncier afin d’y apporter la transparence et cela permettra un recensement plus précis des parcelles, et la détection des éventuelles anomalies, tant dans les attributions que dans les acquisitions. En outre la digitalisation permettra d’avoir une transparence sur le cadastre fiscal et l’application de la fiscalité sur les propriétés bâties et non bâties sera un début de solution contre la spéculation foncière et immobilière.

Une étude sera également engagée pour étudier l’éventualité de fixer un prix plafond pour les parcelles à usage d’habitation. Cela jouera non seulement sur le prix d’achat des parcelles, mais aussi, par ricochet, sur le coût des loyers à usage d’habitation. Ce qui permettra de soulager les petits revenus qui peinent à trouver un logement décent dans les centres urbains.

De la gouvernance

Outre l’éducation à la citoyenneté et la lutte contre la corruption, il nous faut repenser notre système politique. Si nos ancêtres ont connu des siècles de stabilité politique, c’est bien parce que leur système politique était conforme à leur histoire, à leur culture, à leurs aspirations. Les sociétés occidentales, après des hésitations, des remises en cause, des interrogations, sont enfin parvenues à construire des systèmes politiques adaptés à leurs contextes. Pourquoi voulons-nous appliquer littéralement chez nous un système politique conçu pour les sociétés occidentales et espérer avoir une stabilité politique ? Notre société a-t-elle la même histoire que les sociétés occidentales ? A-t-elle la même culture et les mêmes aspirations ?

C’est le lieu de relever la paresse et l’arrogance de nos intellectuels qui, non seulement n’ont pas été en mesure de remettre en question un tel état de choses, mais poussent parfois le ridicule jusqu’à se targuer d’être des spécialistes d’un système sans aucun rapport avec la société dans laquelle ils vivent. Que valent la Constitution et le droit constitutionnel français pour au moins quatre-vingt pour cent (80%) des Burkinabè ? Nous devons nous ressaisir. Si nous refusons de concevoir un système politique adapté à nos réalités, dont la stabilité sera garantie par la population qui s’y reconnaîtra, il nous faudra alors nous résoudre à accepter de tourner en rond pour longtemps encore.

Mon Gouvernement, si le temps le permet, essayera de mettre en chantier l’élaboration d’une Constitution innovante fondée sur nos réalités historiques, culturelles et sociales. On vous dira que c’est difficile, mais tout est difficile pour celui qui refuse d’agir. On vous dira même que c’est impossible dans un pays qui compte une soixantaine d’ethnies. Mais, nous sommes des combattants de l’impossible. Quand les ancêtres des Mōse sont arrivés sur ce territoire il y a de cela plusieurs siècles, ils ont su concevoir un système politique qui leur a permis de vivre en harmonie avec les diverses populations autochtones et limitrophes. Pourquoi ne le pourrions-nous pas maintenant ? Osons inventer l’avenir.

Nous demeurons convaincus qu’une décentralisation effective fera davantage prendre conscience aux citoyens que leur destin leur appartient. La gouvernance de proximité est un puissant stimulant pour le développement local.

Sans une décentralisation effective, la vie sera impossible à Ouagadougou qui, vu l’accroissement continu de la ville, connaîtra de sérieux problèmes d’approvisionnement en eau, mais aussi de voirie, d’électricité, d’assainissement et de sécurité publique.

En attendant, mon Gouvernement est déjà engagé dans la réduction du train de vie de l’État. La rémunération des hautes personnalités de l’État a été revue à la baisse. Pour le mois de novembre, les ministres ont décidé de céder la moitié de leur salaire pour soutenir les personnes déplacées et dans le besoin. Le chef de l’État, le capitaine Ibrahim Traoré, renonce à tous les avantages financiers liés à sa fonction pour ne conserver que son salaire de capitaine de l’armée. Il sera fait appel, à travers des fonds qui seront mis en place, à la contribution de toutes les âmes de bonne volonté qui voudront contribuer à soulager la souffrance des démunis, et à la construction de la patrie.

Des études sont en cours pour une meilleure gestion du parc automobile de l’État, y compris celui des membres du Gouvernement. Si le temps le permet, mon Gouvernement engagera les démarches nécessaires pour une rémunération plus équitable des agents de l’État, et pour une meilleure redistribution des ressources du pays. D’ores et déjà, le Gouvernement travaille à la maîtrise de l’inflation et de l’évolution de la dette publique, et à l’amélioration du recouvrement fiscal. Un projet de loi sur la neutralité de l’Administration est en préparation pour être soumis à votre appréciation. Cela donnera une base légale à l’avènement d’une Administration débarrassée des considérations politiques et partisanes. Mon Gouvernement s’attèlera à l’organisation d’élections libres et transparentes pour qu’à l’issue de la période de transition, ceux que le peuple aura désignés reprennent le flambeau de la construction de la patrie avec la pleine confiance de leurs compatriotes.

La politique étrangère

Le Burkina Faso reste un pays ami pour tous les pays qui acceptent son amitié. Notre ambition est de renforcer les liens d’amitié avec tous les pays pour le bonheur des peuples qui ne cherchent qu’à mieux se connaître. Nous attendons cependant de chacun de nos partenaires qu’il soit loyal avec nous. Nous souhaitons donc une coopération sincère et franche. Nous pensons, peut-être à tort, que certains partenaires n’ont pas toujours été loyaux. Comment comprendre que le terrorisme gangrène notre pays depuis 2015, dans l’indifférence, si ce n’est avec la complicité de certains de nos prétendus partenaires. Où trouvent-ils les armes, les munitions, le carburant, l’argent qu’ils ont à profusion ? Comment des pays qui ont le contrôle de l’espace, avec des moyens modernes de détection, ne peuvent-ils pas, s’ils sont nos vrais amis, nous donner les renseignements nécessaires sur les agissements et les mouvements de ces terroristes ?

C’est alors que la question se pose. N’avons-nous pas été jusque-là trop naïfs dans nos relations avec nos partenaires ? Sans doute. Une introspection s’impose. Nous essayerons, autant que possible, de diversifier nos relations de partenariat jusqu’à trouver la bonne formule pour les intérêts du Burkina Faso. Mais, il ne sera pas question de nous laisser dominer par un partenaire, qui qu’il soit. Dans la lutte contre le terrorisme, il revient aux Burkinabè, et à eux seuls, de défendre leur patrie en danger. Avec bien sûr le soutien bienveillant de tous ceux qui voudront nous accompagner. C’est pourquoi il a été lancé le recrutement de cinquante mille volontaires pour la défense de la patrie (V.D.P.)

La réorganisation de l’armée est en cours. Elle sera opérée en profondeur et des audits ont déjà été ordonnés et seront menés sur la gestion de l’armée au cours de ces dernières années. Des acquisitions de moyens de combat terrestres et aériens ont déjà eu lieu et d’autres sont en cours.

C’est le lieu de dire merci à des partenaires voisins qui ont facilités ces acquisitions et qui continuent de nous soutenir. La coopération avec les pays limitrophes va se renforcer et la lutte contre le terrorisme sera au cœur de cette coopération. D’autres mesures complémentaires et d’accompagnement suivront. Nous restons convaincus que les Burkinabè sont en mesure de défendre leur pays, pour peu qu’ils aient l’encadrement et les moyens nécessaires.

La situation actuelle révèle la fragilité de nos États pris isolément. Nous sommes donc convaincus qu’il nous faut encore et toujours oser inventer l’avenir. Certains de nos prédécesseurs, comme Kwamé Nkrumah notamment, ont souhaité la mise en place des États-Unis d’Afrique. D’autres, comme Léopold Sédar Senghor, ont voulu commencer par un regroupement des anciens pays de l’Afrique occidentale française (A.O.F.). Cela a donné naissance à l’éphémère Fédération du Mali. Les mentalités peut-être n’étaient pas préparées.

Peut-être faut-il aussi questionner les méthodes. Ces échecs ne doivent pas être pour nous un motif de découragement. Avant de bien marcher, l’enfant tombe plusieurs fois. Nous pensons que notre jeunesse est plus instruite et mieux formée pour comprendre les enjeux actuels. Nous esquisserons donc à l’endroit de nos voisins immédiats, des rapprochements en vue de jeter les bases de l’avènement d’un État fédéral en Afrique de l’Ouest incluant le Burkina Faso. Nous ne sommes pas sûrs de réussir, nous aurons au moins essayé. Osons inventer l’avenir.

Conclusions

Excellence ! Mesdames et messieurs les députés,

Les chantiers sont immenses et urgents. Ce que le temps de la Transition ne nous aura pas permis de réaliser, nous osons croire que l’équipe qui viendra après s’inscrira dans la même dynamique pour parachever la construction du Burkina Faso nouveau.

Mettre fin au terrorisme au Burkina Faso, recouvrer l’intégrité territoriale du Burkina Faso, améliorer la qualité de vie des Burkinabè, refonder la société burkinabè, redonner la fierté et la dignité aux Burkinabè est un combat pour lequel, le Président Ibrahim Traoré en tout premier lieu, et moi-même, sommes engagés pour la victoire ou la mort. Martin Luther King Jr disait qu’une personne qui n’a pas trouvé un idéal pour lequel il veuille bien mourir, a perdu le sens de sa vie. Notre idéal est ainsi défini. Nous pensons que nous pouvons y arriver dans un mouvement d’ensemble, dans la paix et la fraternité.

La Patrie ou la mort nous Vaincrons.

Je vous remercie pour votre attention.« 

www.refletinfo.net

Reflet info

Reflet info est un journal burkinabè en ligne qui vous tient informé 24h/24

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *