Burkina Suudu Bawdè (BSB) en langue fulfuldé ou la maison des compétences, est une fusion de centres de formation professionnelle publics du Burkina Faso. Créé en juillet 2023, il est dirigé par le docteur en sciences de gestion, Kèrabouro Palé par ailleurs inspecteur des impôts. Stratège fiscaliste des entreprises et enseignant formateur, Dr Palé dans cet entretien accordé à Refletinfo.net, revient sur la présentation de Burkina Suudu Bawdè, ses objectifs et missions, ses différents défis, les offres et coûts de formations proposés, les cibles, entre autres.
Par Siébou Kansié
Refletinfo.net : Comment vous vous portez après une année 2024 très bousculée en activités ?
Dr Kèrabouro Palé: Après douze mois d’exercices et de travaux intenses, je me porte bien et avec beaucoup d’énergie en réserve pour la suite du combat qui ne fait que commencer. Que Dieu nous en donne la santé !
Refletinfo.net : Ainsi soit-il ! Présentez-nous Burkina Suudu Bawdè ?
Dr Kèrabouro Palé : Burkina Suudu Bawdè, est un établissement public de l’État à caractère administratif (EPA) créé en juillet 2023. Burkina Suudu Bawdè, est en langue nationale fulfuldé, et ça signifie « la maison des compétences du Burkina ».
C’est une structure qui est née de la volonté du Chef de l’État, le Capitaine Ibrahim Traoré, qui, lors de sa rencontre en janvier 2023 avec les étudiants de l’Université Joseph Ki-Zerbo, avait donné des instructions à trois ministres : le ministre des sports, de la jeunesse et de l’emploi qui s’occupait du volet formation professionnelle; le ministre de l’Education nationale, l’ex-MENAPLN et le ministre de l’Enseignement supérieur, de se concerter pour faire une réforme du système éducatif afin de mettre l’accent sur l’apprentissage des métiers.
C’est ainsi que le ministère en charge des sports, de la jeunesse et de l’emploi, a pris le leadership des travaux qui ont abouti en juillet 2023, à la prise d’un décret en Conseil des ministres, qui crée Burkina Suudu Bawdè (BSB).
Mais, nous sommes fonctionnels à partir d’octobre 2023. Car, le lancement officiel des activités a eu lieu le 19 octobre 2023 à Ziniaré, dans la région du Plateau-Central. Nous avons donc, une année de fonctionnement et nous avons entamé la deuxième année de formation.
Burkina Suudu Bawdè, c’est une création de 2023, mais en réalité, c’est une fusion d’anciens EPE (Etablissements publics de l’État) qui interviennent déjà dans la formation professionnelle.

Il s’agit du Centre de formation professionnelle de référence de Ziniaré (CFPR-Z), qui est le centre le plus connu ; du Centre d’évaluation et de formation professionnelle de Ouagadougou (CEFPO), qui abrite pour le moment le siège de BSB ; du Centre de formation professionnelle industrielle de Bobo-Dioulasso (CFPIB), et de l’Agence nationale de la formation professionnelle (ANFP).
Ces quatre EPE ont été fusionnés pour faire une identité unique. Et, nous avons aujourd’hui, un réseau de 31 centres à travers le pays, dont trois centres nationaux, 13 centres régionaux et 15 centres provinciaux. Nous avons une capacité théorique d’accueil en formation initiale et résidentielle de 4 781 places.

Mais au-delà des formations résidentielles, nous développons beaucoup d’autres types de formations, notamment les formations modulaires qualifiantes (FMQ) qui sont des formations de courte durée (1 à 4 semaines) mais qui permettent d’apprendre véritablement un métier.
Pour l’année de formation 2023-2024, nous avons formé plus de 12 000 jeunes, dont environ 5 000, en initiale résidentiel débouchant sur un diplôme (CQP, BQP, BPT, BPTS) et le reste en FMQ donnant droit à une attestation de formation.
Mais au-delà des 31 centres, nous déployons aussi les formations en itinérance à travers des dispositifs appelés Unités mobiles de formation (UMF), qui sont des véhicules équipés permettant de se déplacer dans des lieux n’ayant pas de centre de formation pour en assurer. C’est ainsi qu’on peut toucher toutes les couches de la société (villes et campagnes) pour une formation inclusive.
On peut par exemple, arriver dans un village, déployer le matériel pour une formation de courte durée qui peut se faire en langue nationale, parce qu’on n’a pas besoin forcément de comprendre le français, pour apprendre un métier.
Pour les 31 centres, c’est pour un début, sinon, la mission est de faire en sorte qu’on puisse avoir autant de centres de formation professionnelle qu’on a de lycées, ou même d’écoles primaires actuellement. Parce que ce changement de paradigme est lié au fait que le système classique d’éducation a montré ses limites.

Avec le nombre de chômeurs que nous avons, nous voulons aller maintenant vers la capacitation des jeunes. Nous voulons leur donner des compétences pour qu’ils sachent faire quelque chose de leurs dix doigts. C’est ça la vision.
Refletinfo.net : Qu’elle est la principale mission de Burkina Suudu Bawdè ?
Dr Kèrabouro Palé : Notre mission est de contribuer à la mise en œuvre de la politique du gouvernement en matière de développement des compétences techniques professionnelles.
Et selon les statuts, BSB est le principal opérateur public de développement des compétences techniques professionnelles au Burkina Faso.
C’est ce rôle que nous devons jouer. Et de façon précise, c’est de faire en sorte qu’il y ait une certaine adaptation, l’adéquation entre la formation que nous devons donner aux jeunes et les besoins du marché de l’emploi.
On ne va pas former dans le vide. Il faut s’approcher du monde économique pour voir ce qui est demandé. Pour cela, dans le cadre de nos activités, le monde professionnel est fortement impliqué.
Refletinfo.net : Vous venez de rentrer d’une grande tournée qui a concernée toutes les régions, pourquoi avez-vous initié cette campagne nationale de communication?
Dr Kèrabouro Palé : Vous parlez certainement de JRIC (Journées régionales d’information et de communication) sur BSB (JRIC-BSB).
Après une année de fonctionnement, puisque la campagne a commencé en octobre 2024, on s’est rendu compte que le grand public ne connaissait pas vraiment Burkina Suudu Bawdè, malgré les opportunités que nous avons et malgré les espoirs que nous incarnons pour l’ensemble du pays.
Il fallait donc, porter l’information, non pas à travers les médias forcément, mais en allant au plus proche de la population.

Lors de ces campagnes, le public, les corps constitués dans toutes ses composantes, étaient conviés pour la journée d’information.
Cela a permis d’abord, de présenter la structure, de présenter nos offres et de répondre aux questions utiles. Et après cette tournée, on ne peut pas dire que la structure n’est plus connue.
Refletinfo.net : Succinctement, quel bilan faites-vous de cette campagne ?
Dr Kèrabouro Palé : Le bilan, c’est que Burkina Suudu Bawdè, a maintenant marqué son ancrage institutionnel sur le plan national. Nous sommes passés partout. Les régions ont été visitées, les rencontres ont été tenues.
Le lancement, c’était ici à Ouagadougou et nous sommes partis dans 12 régions. Le bilan, c’est que de façon institutionnelle, on a pu marquer notre territoire.
Nous avons d’autres canaux de communication et avec les réactions que les gens font, on sent qu’on est connu. Et c’était ça aussi l’objectif qui était visé à travers cette campagne.
Refletinfo.net : Mais comment Burkina Suudu Bawdè contribue-t-elle au développement du pays ?
Dr Kèrabouro Palé : Parlant de la contribution au développement du pays, toutes les théories du développement économique sont unanimes que la question du capital humain est au centre. On ne peut pas se développer lorsqu’on n’a pas un capital humain de qualité.
Dans le capital humain, il y a l’éducation, la formation. Aujourd’hui, il y a des jeunes sur qui on met des millions pour les former jusqu’au niveau master. Ce sont des ressources que le pays a engagées, et à la fin, le retour sur investissements n’est pas là.
Donc, c’est comme si c’était des investissements à perte. Aujourd’hui, avec l’apprentissage des métiers, la probabilité est très forte que le retour sur investissement soit assuré.

Donner les compétences et permettre aux jeunes de pouvoir s’auto-employer, c’est vers cela que nous voulons aller.
Nous ne formons pas des gens pour aller faire des concours de la fonction publique ; il faut comprendre cela.
Et lorsqu’on parle d’emploi, nous sommes dans un processus de développement économique, parce que la demande va augmenter. Si les gens ont des revenus, ils vont consommer et la demande créant l’offre, la production nationale va augmenter aussi.
Beaucoup plus largement, nous pensons que l’action de développement des compétences des jeunes, c’est aussi un facteur pour juguler la question de l’insécurité que nous avons dans notre pays.
Parce qu’il revient souvent, qu’il y a un problème économique derrière l’engagement de certains jeunes sur le chemin sans issue du terrorisme.
Si on fait en sorte que chacun ait quelque chose à faire, on ne peut pas s’engager sur une voie qui est sans issue pour détruire son pays.
Donc, nous pensons que de ce côté également, nous contribuons. Et c’est d’ailleurs ça, qui est derrière l’idée du Chef de l’État qui a voulu qu’on puisse mettre l’accent sur le développement des compétences des jeunes.
Refletinfo.net : Quels sont les grands défis qui se présentent aujourd’hui à la structure dont vous avez la charge ?
Dr Kèrabouro Palé : Les grands défis, c’est le défi de tout le pays, de toutes les administrations publiques. C’est le défi des ressources. Avec la situation économique qui est là, c’est un peu difficile, mais je pense que tout le monde comprend le contexte, et en tant que premier responsable, on ne peut plus mettre le problème d’insuffisance de ressources devant pour ne pas faire ce qu’il y a à faire. C’est un défi.
Mais nous cherchons à trouver des palliatifs, des moyens pour contourner ces difficultés, parce que la formation, je vous ai dit, on n’est pas obligé d’avoir forcément un bâtiment pour être à l’intérieur, pour faire la formation.
Donc, on va assurer la formation, même sous des arbres, parce qu’il faut faire en fonction des moyens que nous avons. Donc, je pense que c’est vraiment l’alternative que nous utilisons, et ça nous permet d’engranger des résultats. Et on va dans le sens des missions qui nous ont été assignées.
Refletinfo.net : Les autorités actuelles maximisent sur la formation professionnelle, l’entreprenariat des jeunes ; que proposez-vous aux apprenants sortis des centres et qui peinent à s’installer ?
Dr Kèrabouro Palé : Lorsque les jeunes sortent de nos centres, fondamentalement, on prépare les gens pour l’auto-emploi. Et on sait que pour s’auto-employer, on a besoin d’un minimum en termes de kit d’installation.
Alors, qu’est-ce qui est fait ? Le gouvernement, en même temps que Burkina Suudu Bawdè est créé, a créé un fonds, qui est aussi une fusion d’anciens fonds, le fonds Faso Kuna wili.
La structure offre des financements aux jeunes ayant des projets. Nous sommes en partenariat et nous avons déjà fini de préparer la convention que nous allons signer incessamment. Et en vertu de cette convention, il y a un financement.
Quand je dis financement, ce n’est pas gratuit, c’est un prêt avec des conditions qui sont en adéquation avec les statuts des apprenants. Parce que quelqu’un qui vient de sortir d’un centre, n’a pas forcément de garantie.

Donc, à travers cette convention, on fera une sélection par an, de 4 000 jeunes qui sont sortis de nos centres, qu’on va leur (Faso kuna wili) envoyer.
Et quand ils soumettront leurs projets au fonds Faso kuna wili, en fonction de la crédibilité, du sérieux du projet, on va leur accorder un prêt sans forcément exiger de garantie. Et avec ça, les gens pourront s’installer.
Ce n’est pas BSB qui le fait, mais c’est le gouvernement qui a voulu assurer un service après-vente, en créant ce fonds qui va permettre aux apprenants de pouvoir s’installer.
Refletinfo.net : Est-ce que les apprenants qui ne sont pas passés par vos centres, peuvent bénéficier de ce fonds ?
Dr Kèrabouro Palé : Oui, le fonds Faso Kuna wili est créé pour tout le monde. Mais je parle des sortants parce que la convention s’applique uniquement à nos sortants. Mais les autres jeunes qui remplissent les conditions, peuvent en bénéficier. Ce fonds, c’est pour tous les jeunes.
Et il faut dire qu’en réalité, la formation professionnelle, les structures publiques ne font qu’en gros 30%. Le reste, c’est le privé.
Donc, ce n’est pas nous seulement qui faisons la formation professionnelle. Tous ceux qui sortent, des centres de formation professionnelle, pourront être accompagnés. Le produit est disponible.
Refletinfo.net : Vos offres de formations sont-elles accessibles en termes de coûts, comparativement au niveau de vie des populations burkinabé ?
Dr Kèrabouro Palé : Les frais de formation que nous avons sont modulés pour tenir compte des réalités économiques des milieux. Et ça va de 35.000 FCFA, le prix le plus bas, à 400.000 FCFA, le prix le plus élevé dans nos centres.
Refletinfo.net : Qu’elle est la politique de fixation de ces frais de formation ?
Dr Kèrabouro Palé : Nous savons très bien que les capacités économiques ne sont pas les mêmes dans les grands centres urbains que dans les villages. Donc, pour le même métier qui va aboutir au même niveau de qualification, on va demander 100.000 francs CFA ici à Ouagadougou, et 35.000 à Sindou par exemple (ce sont mes esclaves [rire]).Donc, on tient compte de la localité et on tient compte du métier aussi. Les métiers ne génèrent pas les mêmes charges.
Pour la fixation des frais de formation, le territoire national est divisé en trois zones. Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et Ziniaré qui sont ensemble, il y a les autres chefs-lieux de région qu’on a mis ensemble et le dernier groupe rassemble les autres localités disposant de Centre de formation.
Refletinfo.net : Aujourd’hui, nous sommes dans le boom technologique, le boom numérique. Alors, comment est-ce que vous intégrez l’innovation, la transformation numérique dans la vision de la maison des compétences ?
Dr Kèrabouro Palé : Les métiers du digital sont fondamentalement l’avenir. On ne peut pas développer la formation professionnelle en les mettant en marge.
Et fondamentalement, on va s’orienter vers ça aujourd’hui. Et il y a un état des lieux, c’était beaucoup plus le métier manuel. On veut évoluer vers le numérique.
Il y a certains métiers que nous allons fermer. Par exemple, la menuiserie bois, les gens ne sont plus dans ça.
Nous sommes en train d’évaluer, mais au centre de notre vision pour le digital, on aura des centres spécialisés pour les métiers du digital.
Refletinfo.net : Comment envisagez-vous Burkina Suudu Bawdè sur le plan international ?
Dr Kèrabouro Palé : Sur le plan international, nous sommes dans une logique de partenariat avec des structures de références en la matière. Aujourd’hui, lorsqu’on parle de formation professionnelle en Afrique, les gens voient le Maroc.
Nous avons déjà effectué une mission là-bas. Et nous sommes dans une collaboration très appréciable sur bien de sujets en lien avec la formation professionnelle.

Il faut qu’on s’ouvre. Nous serons là en train de nous casser la tête pour chercher un chemin qui est déjà trouvé ailleurs. On n’invente plus la roue quand elle existe.
Il faut la faire tourner tout en adaptant la cadence à ses propres besoins. Il y a d’autres pays partenaires aussi qui peuvent nous accompagner et nous sommes ouverts.
Refletinfo.net : Est-ce qu’au-delà du Maroc, vous envisagez d’autres partenariats avec d’autres pays ?
Dr Kèrabouro Palé : Oui, le partenariat, si c’est l’appui financier, on a des partenaires qui nous appuient. Vous savez, la formation professionnelle, coûte très chère. On a des pays partenaires qui nous appuient sur le plan financier et nous les remercions.
Refletinfo.net : Quels sont ces partenaires ?
Dr Kèrabouro Palé : Il y a la coopération luxembourgeoise envers laquelle nous avons beaucoup de reconnaissances parce que depuis le début, on a eu son accompagnement. Dans l’environnement actuel, les partenaires ne se bousculent pas pour accompagner. Mais elle, elle est restée à nos côtés. Il y a également la coopération suisse et beaucoup d’autres partenaires qui sont en train de nous aider.
Refletinfo.net : C’est le nouvel an, que souhaitez-vous aux Burkinabè ?
Dr Kèrabouro Palé : Je voudrais d’abord m’adresser aux jeunes pour qui nous sommes en train de mener ce combat. A l’ensemble des jeunes, j’aimerais souhaiter qu’ils puissent saisir cette grande chance qui leur a été offerte de se former.
Qu’ils comprennent qu’on ne vient pas à la formation professionnelle parce qu’on a échoué ailleurs ; ce n’est pas un exutoire.On décide d’aller à la formation professionnelle parce qu’on va apprendre des choses, on va avoir une compétence, qu’on peut monnayer. On vient parce qu’on veut contribuer au développement de son pays.
C’est de leur passer ce message et leur dire qu’en 2025, nous sommes là et totalement ouverts avec beaucoup d’opportunités. Qu’ils se rapprochent des services de Burkina Suudu Bawdè pour avoir toutes les informations nécessaires.

Nous avons des canaux de communication, comme notre page Facebook qu’ils y aillent pour s’informer davantage sur nos offres. Pour l’année de formation 2024-2025, nous avons comme objectif de former 50 000 jeunes.
C’est très ambitieux, car nous passerons de 4 800 formés environ, en 2022-2023 à 50 000 en 20024-2025. Nous rappelons qu’en 2023-2024, nous avons formé plus de 12 000. L’ambition est très grande, mais notre détermination l’est encore plus.
Aux jeunes qui ont fini leurs études universitaires, qui ont le master et autres et qui veulent une reconversion, notre mission est d’assurer leur reconversion, qu’ils viennent nous voir. Nous allons leur faire des propositions.
C’est ce que je voulais leur dire tout en leur souhaitant que 2025 soit une année de beaucoup de santé, avec beaucoup d’opportunités.
A l’ensemble des Burkinabè que 2025 nous accorde la santé et surtout la paix. Que Dieu touche le cœur de chacun, pour qu’on puisse trouver une solution à cette grande difficulté qui met en mal le développement du pays.
Je termine en remerciant l’ensemble de mes collaborateurs pour l’appui dont j’ai bénéficié pendant année 2024. Je voudrais leur dire que je compte encore beaucoup sur eux, pour continuer à relever ces défis pour le bonheur de la jeunesse et de tout le peuple burkinabè.
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