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Lettre ouverte de Damiba à Traoré: « sa correspondance s’apparente…à un droit d’interpellation », Me Hermann Yaméogo

Me Hermann Yaméogo, politicien et fils de l’ancien Président burkinabè Maurice Yameogo, a réagi suite à la deuxième lettre ouverte de l’ancien Président Paul Henri Sandoago Damiba au Président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré. Il dit apprécier cette démarche de M. Damiba et trouve sa correspondance comme un droit d’interpellation. Nous vous proposons l’intégralité de sa réaction.

 » Je suis de ceux qui ont hardiment apprécié la deuxième lettre du président Damiba écrite dans la même veine qu’une première, au président Traoré.

Une lettre respectueuse, qui si du reste elle ne l’était pas, n’aurait pas été transmise par les bons soins du président Faure Gnassingbé à son homologue burkinabé.

Une missive qui se trouve par ailleurs être du devoir de tout ancien président en exil ou non, réellement préoccupé par les problèmes sans précédents que son pays endure.

À certains égards, sa correspondance s’apparente même à un droit d’interpellation, qui résulte du compromis historique présidé par la faîtière des organisations coutumières, religieuses et traditionnelles, qui a acté son départ pacifique du pouvoir.

Avec le recul, on aurait dû manifestement l’assortir d’un dispositif de suivi -évaluation.
À défaut d’une telle mesure précautionneuse, comment tenir rigueur au président Damiba de s’enquérir en personne de l’état d’exécution de leur amiable composition, encore et surtout que la situation de la nation se trouve en déphasage négatif avec ses termes de référence et d’action, reposant sur des préoccupations nationales prioritaires.

Il faut à ce stade d’abord apprécier favorablement que cette adresse tout comme la précédente, n’ait pas en dehors du silence ( quoiqu’en soi regrettable ), été l’objet d’une quelconque manifestation officielle de mauvaise humeur.

Il faut ensuite rappeler que nous avons également, comme tous ceux qui se sont dès le départ sentis liés par cet accord ( y trouvant un opportun pis-aller ), le devoir de prêter attention à son état d’avancement.

C’est la raison de la présente relance des demandes partagées par beaucoup de Burkinabé, au sujet de la mise en œuvre de ce texte fondamental qui prévient avec prémonition contre la conduite de la guerre exclusivement basée sur les armes et préconise en combinaison, des mesures concrètes de réconciliation favorisant l’union sacrée qui quoique non létale, est aussi une arme importante dans la guerre.

Tenant incidemment compte du contexte régional, caractérisé par l’interférentes des crises mais également par un besoin de réconciliation inter-État, nous ne serions pas hors sujet en plaidant sur la lancée, pour le principe de l’extension de cette réconciliation à tous les pays de la communauté régionale.

C’est l’exemple que donne fort à propos le président sénégalais Diomaye Faye, qui lors de sa première déclaration après élection, a prioritairement parlé de réconciliation nationale dans son pays et par la suite, avant même sa désignation comme médiateur dans la crise CEDEAO / AES, la projetait dans ce cadre transnational.

L’occasion est toute trouvée à la faveur de la correspondance suggestive du président Damiba et de cette logique comparative du président Faye, de soutenir le principe de la réconciliation régionale.

Cela conduit naturellement à appuyer les encouragements des jeunes de l’UNDD exprimés au président Diomaye Faye, pour sa désignation effective à Abuja comme médiateur, concurremment avec le président Faure Gnassingbé.

La réconciliation que le président Diomaye Faye poursuit dans ce cadre n’est pas fatalement impossible. Il le déclarait pendant la période de sa visite au Burkina Faso.

Ensuite cette réconciliation, ainsi qu’il l’a soutenu à l’occasion de sa sortie médiatique sur ses cent jours de gouvernance, n’implique pas non plus obligatoirement la réintégration des Etats de l’AES dans la maison commune ( même si cette option gagnerait pour beaucoup à être défendue, mais sous garantie de réparations des torts causés aux États de l’ADS et de grandes réformes de la CEDEAO ).

Mais la nuance ici est importante à relever. La réconciliation pourrait donc aussi selon ses explications, se réaliser à minima en se contentant de la seule consécration d’un accord permanent de dialogue et de coopération, entre les deux organisations alors que les Etats de l’AES resteraient en dehors de la CEDEAO.

Le souci majeur en l’espèce (insuffisamment relayé ), non obstructif de la nécessaire solidarité entre États et organisations de la famille de l’UA, est on le voit clairement axé sur l’élimination des rapports conflictuels entre les mêmes acteurs de l’entreprise collective d’intégration économique et politique de l’Afrique. Comment pourrait-t-on se retrouver logiquement adversaires dans une même équipe de football ?

Dans notre espace régional faut-il le rappeler, on compte de nombreuses organisations inter- étatiques ( L’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), le Conseil de l’Entente, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), la Banque Ouest Africaine de Développement ( BOAD ), l’Agence monétaire de l’Afrique de l’Ouest (AMAO) l’Agence régionale pour l’agriculture et l’alimentation (ARAA) l’Organisation Ouest-Africaine de la Sante (OOAS), Le Groupe Intergouvernemental d’Action contre le Blanchiment d’Argent en Afrique de l’Ouest (GIABA), ect….). Malgré le grand nombre de ces organisations, aucune n’entretient de relations belliqueuses avec la CEDEAO.

Il n’y a donc pas de raisons qu’il en aille différemment avec l’AES. D’ailleurs sa devancière avant sa métamorphose c’est-à-dire, l’Autorité de développement intégré de la région du Liptako- Gourmand ( ALG ), dont la création inspirée par le système des nations unies le 03 décembre 1970 avant celle de la CEDEAO le 28 mai 1975 , n’a jamais conduit à des relations étanches et batailleuses avec la CEDEAO sa cadette.

C’est vrai que l’histoire recèle des cas d’Etats, de Fédérations et de Confédérations constitués par des guerres de conquête et de satellisation, mais une leçon élémentaire de la vie nous enseigne que les reproductions des gestes du passé, ne sont pas en tout recommandables.

Espérons qu’alors que dans la région et même dans l’AES, un regard respectueux prend corps par rapport à la cohésion sociale et à la réconciliation nationale, le Burkina Faso ne fera pas exception. Gageons même que les conseils des pairs pour une bonne harmonisation des politiques dans leur espace, porteront des fruits à cet égard.

Les éléments de la facilitation du président Faye secondé par le président Gnassingbé il faut y revenir pour l’impartialité, intègrent indiscutablement plusieurs paliers allant de la réintégration sous conditions réparatrices jusqu’à la confirmation du retrait pur et simple, sauf acceptation de la formalisation d’un accord portant sur le dialogue, la coopération entre ensembles autonomes.

Nous verrons bien si l’appréhension non conciliante de cette convulsion dominera tout. Si elle en amènera, en dépit des graves enjeux collectifs ( des transferts financiers des migrants pour les pays enclavés, des intérêts de leurs ressortissants fixés dans des pays côtiers ou en migrations continues vers ceux-ci pour des intérêts socioéconomiques ), à opter pour le rejet total de cet ultime lien de fraternité, sous le prétexte de la mission « refondatrice prioritaire de l’Afrique et du monde »!

En attendant, bon et généreux vent à la correspondance interrogative du président Damiba et à sa logique interprétative supranationale, par rapport à la réconciliation dans l’espace régional entre États et entre organisations régionales. »

Me HERMANN YAMÉOGO

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