Culture : « le SIAO, est l’aiguille qui nous coud », (N’Doula Dia, designer malien)
N’Doula Dia, designer malien, promoteur de l’entreprise « Dia Création Bogolan », est à la 17e édition du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO). Il participe pour la 14e fois, à cet événement artisanal africain. A cette édition, M. Dia fait partie des artisans maliens qui animent la case malienne au sein du village AES (Alliance des Etats du Sahel). Dans cet entretien, il nous parle entre autres, de l’artisanat malien, du SIAO qui est une opportunité de visibilité, de brassage pour les artisans, de comment l’artisanat peut être un facteur de résilience et d’intégration pour les peuples de l’AES.
Propos recueillis par Siébou Kansié
Refletinfo.net : Comment N’Doula Dia se sent au Burkina ?
N’Doula Dia : Je me sens bien depuis mon arrivée jusqu’à présent et tout se passe bien.
Refletinfo.net : Votre entreprise s’appelle « Dia Création Bogolan ». Qu’est-ce que le Bogolan ?
N’Doula Dia : Le Bogolan, c’est l’impression sur l’étoffe. L’étoffe, le Mali étant le premier producteur du coton dans la sous-région, et depuis les Aïeux, on faisait des tenues traditionnellement. Mais aujourd’hui, avec la modernité, le voyage nous a permis aussi de faire des concepts à la fois avec la coupe épaisse et occidentale ; mais le support étant du tiroir, ça fait son charme.
Refletinfo.net : Que représente le SIAO pour vous ?
N’Doula Dia : Le SIAO, c’est le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou. En tant qu’artisan, chaque deux ans, si tu n’es pas présent au SIAO, je ne dirais pas que tu n’es pas à la hauteur ; mais il peut manquer quelque chose à ton évaluation par rapport à ta créativité et d’autres créativités qui peuvent t’inspirer. Car l’esprit qui est libre, c’est cet esprit qui crée. Donc venir au SIAO, c’est un honneur pour moi. Et en aucun cas, je ne le raterai si j’ai la santé.
Refletinfo.net : Comment vont les affaires depuis votre arrivée le 25 octobre jusqu’aujourd’hui ?
N’Doula Dia : Le marché, on ne peut pas faire de statistiques pour l’instant. Mais déjà, nous lançons un appel solennel à toute la population ouagalaise, de venir voir surtout une innovation cette année par rapport au village AES. Parce que ce sont trois grandes nations [Burkina, Mali, Niger] avec des meilleurs produits artisanaux qui sont présentés. Venez, le plaisir des yeux est gratuit, et les coups de cœur, j’en suis sûr, qu’il y en aura.
Refletinfo.net : Vous êtes exposant dans le village AES. Qu’est-ce que ça vous fait d’être dans cet espace AES ?
N’Doula Dia : L’AES, c’est la famille. Il n’y a pas de balkanisation ici. C’est le même peuple. Donc, ce n’est que du bonheur à partager. J’ai quitté le Mali, je me sens bien à Ouagadougou. J’irai au Niger, et je m’y sentirai bien également.
Refletinfo.net : Pas d’expatriés, pas d’artisanat africains, déclarent certaines personnes. D’autres ajoutent que la plupart des gouvernants africains ont confié l’artisanat aux expatriés ? Avez-vous également cette impression ?
N’Doula Dia : Une chose est certaine : tout mouvement, toute réussite demande une volonté politique. Nous, nous ne sommes pas des décideurs. Nous ne sommes que des artisans. Si les gouvernements, compte tenu de la situation, se rendent compte que c’étaient les expatriés qui achetaient, aujourd’hui avec le mouvement de la conscience, je pense que si les autorités en font leur affaire, tout le monde en tirera profit.
Refletinfo.net : Comment le SIAO peut-il être un facteur d’intégration, de résilience pour le peuple de l’AES ?
N’Doula Dia : Le SIAO a toujours été un facteur d’union. Le SIAO, est l’aiguille qui nous coud. Chaque deux ans, nous venons, nous voyons, nous produisons nos propres produits.
Quand il y a le plaisir des yeux, cela permet aussi de la créativité. D’un point A à un point B, il faut toujours prendre du bien. Même dans l’enfer, il y a le petit paradis. Dans le mal, prenons toujours le bien.
Refletinfo.net : Comment la Confédération de l’Alliance des Etats du Sahel peut être un avantage pour l’artisanat sahélien ?
N’Doula Dia : L’illustration, c’est ici au SIAO. Chaque pays a sa case, mais quand tu vois de l’autre côté, c’est un melting pot. Tu ne peux pas identifier c’est quel produit de quel pays. Je te donne un exemple similaire ethnologiquement. Les Touareg, nos frères dans le nomadisme, se retrouvent au Mali, au Niger, au Burkina. Donc, quelque part, l’espace AES, sa matérialisation, si ce n’est pas du bonheur, ce n’est pas du malheur.
Refletinfo.net : Revenons maintenant à votre pays, comment se porte le secteur de l’artisanat aujourd’hui au Mali ?
N’Doula Dia : De façon générale, l’artisanat est dans de bonnes mains. Certes, il y a la crise, il y a des aléas à tenir compte, mais quand ta vie dépend de quelque chose, tu es obligé de t’accrocher. Donc, la résilience est là ; et il faut y croire. Car, un seul succès compense mille échecs.
Refletinfo.net : Est-ce qu’avec la situation sécuritaire et sanitaire, l’artisanat au Mali nourrit son homme ?
N’Doula Dia : Question pertinente. Je pense que, dans un certain sens, tout homme qui travaille, doit se nourrir de son métier. Il y a des hauts et des bas comme la vague, mais la résilience et la préparation psychologique doivent être notre moteur.
Rien ne tombe sur terre. C’est l’individu, l’artisan, qui doit s’adapter au diapason, qui doit créer, et en consommer pour pouvoir se faire vendre.
Refletinfo.net : Qu’elles sont les principales difficultés de l’artisanat au niveau des Etats du Sahel ?
N’Doula Dia : Qu’on essaie de considérer ces artisans avec les dix doigts. Parce que dans l’informel, l’artisanat occupe au moins 45% de la population. Donc, on ne demande pas le ciel, mais qu’on finance les PME [Petites et Moyennes Entreprises] pour qu’ils puissent décoller.
Ce sont les gros poissons qui élèvent les petits poissons. S’il y a de l’aide, des formations, ça permet de créer des pépinières pour éviter l’exode.
Mais il faut consommer aussi. Consommons-nous. C’est ce que je conseille. Ceux qui viennent acheter ici, ils ne sont plus là. Consommons-nous et la consommation locale, l’économie locale va tourner. Mais si nous ne consommons pas, et qu’on utilise toujours les produits de l’autre côté, on ne s’en sortira jamais.
Vive la paix ! Que la paix revienne ! Que les cœurs s’embrassent, et vive l’Afrique libre !