Burkina Faso : le discours bilan du Président Damiba, n’était pas celui d’un chef de guerre (Ouagalais)
72 heures après le discours bilan du Président de la Transition burkinabè, Paul Henri Damiba, le dimanche 4 septembre 2022, cinq mois après sa prise du pouvoir, des Ouagalais continuent d’en épiloguer. Ils sont partagés entre satisfaction et dégoût. Si pour les uns, il n’y a pas de point positif, pour les autres, des efforts ont été faits par le pouvoir militaire pour sortir le pays de la crise sécuritaire.
« …un discours qui a l’apparence d’un discours politique » (Issouf Ouédraogo)
« Tout d’abord le lieu (Dori) où il a fait le discours interpelle beaucoup, car c’est une manière d’interpeller les troupes, de donner courage à la population et de demander à chacun de se donner afin de sortir le pays de la crise.
Il a parlé de l’acquisition d’un certain nombre d’armement. Ce qui est un aspect positif. La réorganisation de l’armée et le soutien matériel apporté aux Forces de Défense et de Sécurité (FDS) sont également des points qu’on peut apprécier.
Je fais trois principales remarques. Le pouvoir militaire a permis à quelques habitants de rejoindre leurs zones. Il a mis en place une garnison dans certaines zones d’insécurité et l’acquisition du matériel adéquat.
Dans son discours, le président a aussi dénoncé certains maux comme la corruption, le clientélisme qui prennent de l’ampleur dans les administrations publiques. Par exemple, il a souligné le mauvais fonctionnement de la justice. C’est important d’en parler pour la prise de conscience dans tous les secteurs. Après 5 mois, je peux dire que des efforts ont été consentis et on remarque un changement.
… dans le discours du Président, les choses sont abordées vaguement
Ce que je n’apprécie pas, c’est que le discours n’était pas un discours d’un chef de guerre ou d’un militaire mais un discours qui a l’apparence d’un discours politique.
J’aurai souhaité que le discours soit un discours proprement militaire, c’est-à-dire, de quelqu’un qui est sur le terrain et vient exposer la situation telle qu’elle est. Je trouve que dans le discours du Président, les choses sont abordées vaguement. En effet, on s’attendait plus à des chiffres, à des statistiques.
Par exemple, le nombre exact de personnes ayant rejoint leurs localités, combien de zones du Burkina ont été récupérées. J’aurai aimé que le discours soit plus précis concernant les déplacés internes. Tout simplement que des chiffres appuient ce qui a été dit ; ce qui allait plus appuyer la confiance du peuple burkinabè. »
« …le Président a été réaliste dans son intervention » (Parfait Soubeiga)
« Avant tout propos, je tiens à relever que « entre celui qui a vu le lion et celui qui a entendu parler du lion, les performances en course ne sont pas les même ». Autrement dit, entre moi qui suis à Ouagadougou et ceux qui sont dans les zones à forte insécurité, notre appréciation du discours du Président ne peut être la même.
Ce discours était attendu par les Burkinabè. Et j’ai particulièrement suivi ce discours avec une attention soutenue. Que dire ? J’ai noté que le Président a été réaliste dans son intervention. Il a reconnu que le mal qui ronge le Burkina est profond.
Et comme on le dit, « aux grands maux, les grands remèdes ». Conscient de la béance de la gangrène, le pouvoir en place a essayé d’apporter sa thérapie. De cette thérapie, nous retenons que les résultats engrangés ne sont pas forcément à la hauteur des attentes de la population.
…nous estimons qu’il y a de l’espoir
Il y a encore des civiles victimes de violences. Des symboles de l’Etat attaqués. Des zones autrefois à l’abri atteintes actuellement. Cependant, nous avons noté une certaine accalmie dans certaines zones. Un retour timide des populations déplacées dans leur village. La situation sécuritaire dans les cascades et le Sud-Ouest est un peu maîtrisée. De même, il y a une réorganisation de l’armée, même si on s’attendait à des chiffres pour mieux apprécier.
Les chiffres permettent d’avoir une base objective d’analyse. Mais les chiffres ne sont pas forcément un critère de performance. Du discours du Président, nous avons des raisons d’espérer. Je le dis, parce qu’il n ‘a pas versé dans le populisme et la démagogie. Il est resté réaliste.
Et nous estimons que si le politique accompagne l’armée dans son élan de reconquête du territoire, nous sommes convaincus que la situation sécuritaire va s’améliorer. Il faut aussi que nous civils, nous sachions que cette guerre n’est pas seulement du ressort des autorités.
Il nous faut une synergie d’action. Le mal est profond. Nous aurons souhaité qu’aujourd’hui, avec l’arrivée du MPSR, cette crise soit jugulée. Mais, tout comme le Président, nous reconnaissons qu’il y a encore du travail à faire. Pour finir, nous estimons qu’il y a de l’espoir ».
« Dans le fond, c’est loin d’un bilan vérifiable par preuve » (Lucien Zongo)
« Je n’ai pas d’appréciation positive. Il fait selon lui des efforts, mais dans les actes et actions ce n’est pas le cas, la base est douteuse et on semble ne pas miser sur les priorités mais des soutiens aux individus. Dans la forme c’est en quelque sorte du populisme politique qu’il a fait en étant à Dori. Dans le fond, c’est loin d’un bilan vérifiable par preuve »
« Nous voulons observer les actes, pas les discours » (Issa Sidwayan Tiendrebeogo)
« Un discours quand même poignant à mon avis. Il a su un peu décrire la situation du pays avant sa prise du pouvoir. Il reconnait les points faibles de la nation, en reconnaissant la défaillance au niveau de la justice. Il reconnait la part de responsabilité des forces de défense et de sécurité (FDS) dans la crise actuelle. Le fait de souligner déjà ces insuffisances, c’est une bonne chose.
Également, il souligne le fait que les populations aient rejoint les localités autrefois touchées par l’insécurité. Les FDS ont pu mettre la main sur l’ennemi, le désorganiser, c’est quand même un autre point positif. On a suivi l’actualité et effectivement plusieurs opérations ont pu donner un coup dur aux terroristes.
La main tendue de l’Etat à ceux-là (terroristes) qui veulent déposer les armes est aussi un geste à apprécier. Le renforcement de l’équipement c’est aussi capital pour la lutte contre le terrorisme ; ce qui est un point positif.
Cependant, il faut noter que dans plusieurs localités, les populations vivent toujours difficilement (la faim). Certaines localités sont carrément coupées du reste du territoire. Nous voulons observer les actes, pas les discours. D’ici au prochain rendez-vous (2023) du chef de l’Etat, nous espérons une observation plus positive et un recul du terrorisme au Burkina Faso. »
Propos recueillis par Charlottes W.L. Ilboudo, stagiaire